→ La Tête-Défense En 1982, le président Mitterrand décida l’ouverture d’un prestigieux concours international pour l’édification d’un bâtiment symbolique sur le site dit de la « Tête-Défense ». Il s’agissait ainsi de procurer au quartier de La Défense le monument qu’il avait toujours eu vocation à accueillir à son extrémité ouest et, qui plus est, sur l’axe historique parisien prolongeant les Champs-Élysées. Par ce geste, le nouveau président de la République de l’époque voulait apporter enfin une réponse à une question restée pendante depuis longtemps. Dans les années précédentes, Valéry Giscard d’Estaing avait bien cherché à bâtir là un édifice dont il exigeait, cependant, qu’il ne dépassât pas une certaine hauteur afin de ne pas gâcher la vue depuis le Louvre ou la Concorde en apparaissant sous la voûte de l’arc de Triomphe ou, pire, au-dessus. L’opération était donc autant d’urbanisme que d’architecture et le concours de 1982, s’il libérait cette fois-ci les architectes de toute contrainte quant à la hauteur de la construction, imposait un programme précis consistant à la fois et principalement en la création d’un Centre international de la Communication et l’hébergement de deux ministères, celui de l’Urbanisme et du Logement et celui de l’Environnement. Le règlement du concours attirait l’attention de chacun sur une difficulté majeure consistant à devoir intégrer le nouveau bâtiment à son quartier, c’est-à-dire « à un ensemble monumental affirmé, conçu, dessiné et réalisé dans la tradition des "grandes compositions" françaises : celles du Louvre, des Invalides ou de la Concorde ». Il s’agissait donc d’« imaginer un monument à l’intérieur d’un autre monument ». Par ailleurs, ce même règlement rappelait l’ambition « de terminer une ordonnance héritée du passé et d’annoncer un aménagement orienté vers le futur […], de terminer une perspective et d’en ouvrir une autre […], de poser sur l’axe historique un jalon […], la marque laissée par notre génération sur le grand axe Ouest de Paris, ce livre d’or de l’histoire et de l’urbanisme ». C’est un architecte danois alors inconnu en France, Johan Otto von Spreckelsen, qui, en avril 1983, l’emporta sur plus de quatre cents concurrents en proposant un nouveau jalon sur l’axe : « Un cube ouvert, une fenêtre sur le monde, comme un point d’orgue provisoire sur l’avenue, avec un regard sur l’avenir. C’est un "arc de triomphe" moderne, à la gloire du triomphe de l’humanité, c’est un symbole de l’espoir que dans le futur les gens pourront se rencontrer librement. »
L’« idée » de Spreckelsen séduit unanimement : « Le jury a primé ce projet pour la clarté de son concept, pour sa force symbolique, pour la simplicité de son expression et pour l’exactitude, en même temps que la poésie, qui se dégagent de l’architecture proposée. » (Concours international d’architecture pour Tête-Défense : rapport du jury – avril 1983, ÉPAD, p. 15.) À l’origine, ses deux piles nord et sud étaient appelées à accueillir les deux ministères tandis que le Centre international de la Communication aurait trouvé place dans des structures plus légères réparties autour du Cube. Ceci explique que son esthétique soit celle d’un lieu de pouvoir, d’un bâtiment ayant vocation à exprimer la solennité, le prestige et l’autorité mais selon un mode bien contemporain, une monumentalité de notre époque. L’alternance politique provoquée par les élections législatives de mars 1986 fit du projet initial de la Tête-Défense un enjeu parmi tant d’autres du bras de fer entre le président de la République et son gouvernement de cohabitation dirigé par Jacques Chirac. Celui-ci condamna le Centre international de la Communication et décida que seule la moitié de l’Arche serait affectée au ministère de l’Équipement pendant que l’autre pilier serait vendu à des entreprises du secteur privé. Le groupe d’assurances AXA se porta acquéreur pour deux tiers des espaces de cette tour nord, la Caisse des dépôts et consignations pour un tiers ; ces bureaux furent loués à des entreprises du secteur privé. On céda à titre symbolique le Toit du bâtiment à une toute nouvelle Fondation des droits de l’homme et la Grande Arche put être inaugurée en 1989, précisément lors du sommet du G7 que la France accueillait cette année-là au moment des célébrations du Bicentenaire de la Révolution. L’acte de baptême de l’Arche fut donc une réunion politique du plus haut niveau, lui conférant une notoriété en même temps qu’une crédibilité dont elle jouit encore depuis.
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